« Car les mains ont leur caractère, 
C’est tout un monde en mouvement
Où le pouce et l’auriculaire
Donnent les pôles de l’aimant … »
Paul Verlaine

Une main qui se démène à travers les toits de Paris, sous la neige, le vent et la pluie. Une main qui nous guide lentement jusqu’à son corps meurtri. Voici une bien étrange histoire, où l’on suit un membre détaché, qui arrive tout de même à nous faire décrocher un sourire et parfois sous faire sursauter. C’est qu’on s’attache vite à cette étrange araignée poétique.
C’est toute la beauté et le talent du réalisateur Jérémy Clapin qui décide de mettre en scène une main. Si dans le livre Happy Hand qui a inspiré le scénario, de Guillaume Laurant, que l’on retrouve co-scénariste de ce film d’animation, la main est un être qui parle, qui ressent, qui pense … ici le pari était de donner vie à une main sans tout cela … uniquement un membre en mouvement. Tout doit passer par les sens.

En parallèle de cela, l’histoire d’un jeune homme, Naoufel, marocain vivant chez son oncle à Paris, aujourd’hui livreur de pizza. Quel lien ? Quel rapport ?
Une autre chose complexe, lorsqu’on écrit deux histoires en parallèle, il arrive qu’elle se fasse concurrence. Or, il faut bien que l’accent soit mis sur le sujet. Qu’est-ce qui doit être au centre de notre attention ? Ici, le pari est encore une fois de donner de l’importance au trajet de la main avant tout, avant même les personnages qui parlent, avant même leur joie et leur tristesse. La main est ce fil directeur à travers la capitale, à travers une histoire, qu’elle se trouve sous les rails du métro ou bien sûr un igloo au sommet d’un toit. Tout doit passer par les sens.
Si les dessins sont magnifiques, le rôle que joue le son est fondamental dans la mise en scène : de la mouche qui ponctuera l’histoire du jeune homme, aux cassettes enregistrées au Maroc par celui-ci durant sa jeunesse, en passant par les sons qui environnent et parfois menacent la main, jusqu’à la rencontre entre Naoufel et Gabrielle qui se fait à travers un interphone, un soir où la pluie bat son plein. Tout passe par les sens.
Et à en juger par la vibration de mon corps, le hérissement de mes poils, le souffle du public avec moi dans la salle, nous voguions ensemble, tous vers la même direction, l’aventure d’un membre à travers le temps, le chemin d’un passé qui doit s’effacer pour laisser au futur la moindre chance d’être un jour.
«  Est-ce que tu crois au destin ? … nan sérieux
… Comme si tout était écrit d’avance et on suivait une sorte de trajectoire ?
Ouai
Et qu’on pourrait rien changer ?
On croit qu’on peut, mais ce n’est qu’une illusion à moins de faire un truc complètement imprévisible et irrationnel. C’est le seul moyen de conjurer le sort pour de bon.
Un truc comme quoi ... »
Dialogue via l’interphone entre Naoufel et Gabrielle.
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