Fort du succès de son dernier long métrage Nous Camarades, qui a remporté le prix du Jury à la Mostra de Venise 2020, son précédent film consacré à Michel-Ange arrivera en salle française le 21 octobre.
Achevé en 2019, ce film raconte l'une des tourmentes dans laquelle le grand-maître de la renaissance italienne s'est trouvé entraîné au cours de sa vie. Le film s'évade bien loin des clichés habituels sur la Renaissance, et grâce à un habile travail de reconstitutions historiques mené en collaboration avec des historiens, Andreï Kontchalovski peint une fresque historique sans précédent du génie de Michel-Ange.
Au cours de l'œuvre, nous vivons avec les personnages le quotidien du XVIe siècle dans ses aspects les plus ordinaires et les plus nauséabonds. Une rectification historique nécessaire pour nous qui avons l'habitude de concevoir cette époque comme la sortie des ténèbres de l'humanité et de contempler les œuvres de cette période dans des musées lumineux et bien entretenus. Il est très difficile lorsque l'on admire un chef d'œuvre comme la Piéta ou le David de s'imaginer que les mains divines ayant façonné cette pierre, ont pu dormir sur la paille et côtoyer rats et excréments jetés par les fenêtres.
Le film réussit à simplifier le contexte historique à son minimum sans le dénaturer et sans manquer de subtilité. Nous comprenons sans problème les enjeux politiques et économiques des œuvres du maître au cœur des ambitions papales entre les orgueilleuses familles Médicis et Della Rovere. Mais cela ne constitue qu'un prétexte à l'intrigue, pour montrer le maître plongé dans ses passions; de la quête du beau et du vrai qu'il personnifie en la personne du poète Dante, à sa haine pour le génie de son jeune rival Raphaël, dont le spectre vient rôder autour de lui.​​​​​​​
Nous assistons également à la démesure de l’artiste ! Kontchalovski fait du marbre, de cette matière brute et blanche, la métaphore du génie de Michel-Ange. L'énorme bloc de marbre qu'il souhaite déplacer, celui qu'ils appellent le « monstre », n'est rien d'autre que l'expression purement matérielle de ce que renferme en lui le sculpteur. Comme le disent les tailleurs, c'est le plus gros et le plus lourd de tous les morceaux jamais transportés. Il est difficilement manoeuvrable et peut se révéler dangereux. Une métaphore qui rapproche les concepts de Génie et de Folie, dont le mélange ultime prend forme en la personne de l'artiste, de son regard, et de son geste créatif. De la position d'une jeune femme endormie, Michel-Ange tirera les traits de sa Pietà. De sa mort, il tirera la force de sculpter la pierre.
Ce film nous invite donc à plonger avec l'artiste dans le péché, à la recherche du vrai et de Dieu. Le péché... Mais lequel ? Celui de la cupidité de l'Artiste ? Celui de la barbarie qui se déchaîne autour de ses œuvres ? Ou encore, celui d'avoir défié la Création elle-même en donnant naissance à des œuvres d'une beauté divine, comme Dante avant lui ?
Finalement, ce sera perché en haut des montagnes à l'entrée d'une grotte, que le génie, contemplant les cimes tel Zarathoustra, recevra l'inspiration, la révélation, de Dante qui enfin lui apparaît. Et il ne lui soufflera qu'un mot : « Ascolta*».
*écoute.
Back to Top