
Tout ça pour ça ?
Après 4 ans de lutte des fans, de son auteur, des acteurs, et une rallonge de 70 millions de dollars pour des reshoots et un nouveau montage, la Snyder Cut de Justice League arrive dans nos chaumières pour une version dépassant les 4 heures de film.
Après la débâcle de la version cinéma de 2017, charcutée par la Warner et Joss Whedon, difficile d’imaginer que ce nouveau montage puisse arriver à un tel niveau de nullité que l’original. Vous pouvez remarquer l’utilisation du terme nouveau montage plutôt que nouveau film. N’en déplaise aux fans extrêmes de Snyder ou de DC, l’histoire principale reste la même et souffre donc des mêmes problèmes principaux à savoir, à quoi servent vraiment les fameuses mother boxes ? Celles-ci étant tout de même les éléments principaux du long-métrage. Aucune explication claire ne nous sera donnée en 4 heures ce qui nous amène au questionnement suivant, ce film est-il un film uniquement destiné aux fans des comics ?
Ceci étant dit, il est clair que cette version dépasse en tous points le navet servi il y a 4 ans. Batman sert enfin à quelque chose et n’est plus le boulet de l’équipe que l’on garde juste pour son argent. Flash a enfin un développement, tout comme Cyborg qui est le grand gagnant incontestable de ce film. On s’attache à lui, on comprend ses sentiments et on se sent enfin proche de ces demi-dieux inatteignables. Même le principal antagoniste, Steppenwolf, qui bénéficie heureusement d’un bien meilleur design, a enfin des motivations personnelles compréhensibles, choses complètement coupées dans le montage de Whedon. Pour finir sur les points positifs d’un point de vue scénaristique, toutes les intrigues secondaires, et notamment le fameux Knightmare, permettent de véritablement comprendre l’étendu de cet univers plus vaste qu’il n’y paraît, de rajouter le grandiose et le spectacle qui manquait cruellement en 2017. Bref, ce récit se veut comme une fresque grandiose, une orgie super-héroïque.

En ce qui concerne la réalisation de Snyder, celle-ci est calquée sur les ambitions scénaristiques du long-métrage. Les cadres à la composition quasiment christique et biblique nous font sentir la puissance des protagonistes, l’étalonnage extrêmement sombre et saturé donne enfin un sens aux actions et conséquences de celles-ci, le mixage et design sonore nous permettent aussi de mieux rendre compte de l’impact des coups et de la violence des confrontations.
Malgré tout cela, cette nouvelle version voit apparaître de nouveaux problèmes, tout d’abord techniques. La musique finira par vous sortir par les yeux tellement ce montage est incapable de laisser respirer nos oreilles durant ces 4 heures, il en va de même avec les ralentis qui finissent par devenir une sorte de comique de répétition. Enfin, le 1:33 si cher à Snyder laisse un sentiment mitigé tant certains plans ne collent pas à ce format malgré le fait que celui-ci permette un gigantisme bienvenu. Cette director’s cut permet aussi de rendre compte à quel point les blagues étaient présentes dès l’origine du projet, sûrement imposé à Snyder par Warner. Jamais aucune d’entre elles ne sera appuyée par la réalisation tout au long du récit, comme pour vite passer à autre chose, nous laissant dans une incompréhension totale, et allant parfois jusqu’à nous sortir du film.

Niveau scénario, si Batman sert enfin à quelque chose, on ne sait toujours pas quoi faire de Bruce Wayne qui enchaîne quelques blagues mal senties et qu’il aurait sûrement mieux valu couper. La présentation des pouvoirs de Flash finit par friser le ridicule, à voir cette histoire de saucisses volantes autour de la future copine de celui-ci. Si bien que l’on se surprend à interpréter des symboles plus ou moins phalliques dignes d’une mauvaise comédie romantique. Les motivations de Darkseid sont toujours aussi mal établies, le concept de l’équation anti-vie arrive comme un cheveu sur la soupe. Tout comme le pouvoir de régénération de Flash qui fait office de Deus Ex Machina pour arriver à faire avancer l’histoire. Le fameux costume noir de Superman, mainte fois annoncé comme extrêmement important, fini en pétard mouillé tant il est expédié dans une séquence qui ressemble plus à un choix de vêtements dans un dressing, qu’à un véritable élément dramatique. L’interaction entre Martian Manhunter (celui-ci ayant un design critiquable en bonhomme vert torse-nu malgré sa proximité avec les comics) et Bruce Wayne à la fin du film, finit par ressembler à une parodie, Ben Affleck ne semblant pas croire une seule seconde à ce qu’il est en train de jouer. Gal Gadot quant à elle, ne semble savoir interpréter qu’une seule expression faciale, tout comme Amber Heard malgré son peu de temps à l’écran, et tout comme Willem Dafoe venu toucher son chèque et qui semble heureux des zéros qui s’accumulent au fil des secondes. Finalement, seuls Jason Momoa et Jeremy Irons paraissent pleinement intouchables dans leur interprétation. Enfin, le retour surprise de Jared Leto en Joker ne convainc absolument pas et nous conforte dans l’idée que ce choix relève de l’erreur de casting pure et simple.
Pour finir sur les points négatifs, la résurrection de Superman fait toujours aussi kitsch et certains effets visuels visiblement non achevés nous font se poser la question de où ont bien pu passer les 70 millions alloués à ce nouveau montage ?
Finalement, ces 4 heures nous laissent un goût amer. Très peu aidée par la communication abusive de Warner et Snyder, la déception était prévisible. On se retrouve devant un film loin d’être mauvais, voir même honnête et appréciable. Mais loin du chef d’œuvre annoncé, plus intéressant pour l’histoire qui entoure sa sortie, que pour le résultat final.
Alors oui, tout ça pour ça.
